mardi 18 juin 2024

QUELQUE PART EN POLOGNE

J'avais dix-neuf et peu de souvenirs,

Une mémoire sans drame qu'elle doive retenir

Ou oublier. C'est là que je t'ai rencontré.

 

Aimer n'a jamais été à mon avantage.

Il faisait froid dans cette plaine de Kashubie.

Je ne portais qu'une veste par-dessus un lainage.


Nous étions un groupe de garçons et de filles

Visitant un village reconstitué

De demeures paysannes des siècles derniers.


Je tenais mon col refermé sur mon cou.

Malgré le froid glacial j'étais bien près de toi.

Tu t'appelais Joanna, tu m'appelais Benekshu.


Nous étions les amants du vent et du froid.

L'université t'apprenait le français,

Je retenais pour toi quelques mots polonais.


Tu vivais à Gdynia dans une maison blanche,

Tes parents étaient pauvres et ton père au chantier

Naval de Gdansk travaillait chaque dimanche.

 

Tu aimais peindre la céramique et chanter,

Tu m'avais cuit un bol décoré d'éléphants

bleu clair et rouge foncé sur le fond d'émail blanc.


Dans le vieux bus qui nous ramenait à la ville,

Tu avais posé la tête au creux de mon épaule

Et t'étais endormie dans le soir immobile.


Nous étions descendus à la gare, le hall

Était vide. Mes lèvres avaient cherché les tiennes.

Tu avais baissé la tête et, ta main dans la mienne,


Tu m'avais dit, de ta voix au léger accent

Roulant les "r" : "Tu repars demain dans ton pays.

Nous serons séparés. Mais si tu m'aimes vraiment


Tu patienteras et, mes études finies,

Nous nous retrouverons. Avant la fin de l'année,

Elles seront à toi, mes lèvres désirées.

 

Me promets-tu d'attendre ? Dis, tu me le promets ? 

Garderas-tu ton cœur et ton corps au loin

De ceux des autres et des miens au plus près ?


Je te confie mes espoirs, en prendras-tu soin ?"

Sa main avant caressé ma joue tendrement.

Je l'avais reconduite auprès de ses parents

 

Et j'étais retourné dans le studio de l'amie

Qui m'avait logé pendant mon séjour.

C'était ma dernière nuit dans le doux pays

 

De Joanna, que je quittai au petit jour.

Vers minuit l'autocar arrivait à Deslau.

Et le lendemain, j'étais à Chatelineau.

 

Comme promis je t'ai attendu, Joanna.

J'ai reçu une lettre puis une carte postale.

Noël avait passé sans nouvelles de toi.

 

J'ai fêté mes vingt ans au plus bas moral.

Ma vie avait repris comme une pauvre besogne.

Ma vie était restée quelque part en Pologne.

 

"Autobiographie romancée", Benoit Demonty, texte déposé.



 


lundi 11 mars 2024

Un jour les souvenirs disparaîtront
De ce qui blesse en mémoire

Je serai allégé

Le goût des images
Et leur texture amère
Continent noir
Ôteront leurs griffes de mon cerveau limbique

Je pourrai alors redécouvrir les espaces
Et y laisser jaillir la lumière

B. Demonty

CETTE RUBRIQUE MET A L'HONNEUR DES TEXTES ÉCRITS PAR LES PARTICIPANTS A MES ATELIERS D’ÉCRITURE

DES TEXTES ÉMOUVANTS, PERCUTANTS, INTERPELLANTS, VIVIFIANTS... 

 

Voici un texte de Nathalie, qui a écrit un poème/une chanson très fort(e) sur ses pensées anxieuses. Et sur la force de l'écriture comme antidote.


"Le murmure de tes inquiétudes

 

Le murmure de tes inquiétudes

T’importune et te consume

Il traque dans ta tête toute trace d’incertitude

 

Les tribulations de ton imagination

Anticipent des catastrophes polymorphes

Qui te chiffonnent et t’assomment

 

Souffle !

Ne sois pas si prudent

Sois confiant

 

Le cortège des "et si ? " de tes soucis t’assiège

"Et si rien ne s’arrangeait ? "

"Et si c’était fini ? ", "et si je me trompais ? "

 

Un souci remplace l’autre

Un petit souci est effacé par un gros

Un souci massif qui se résout laisse la place à un plus petit

 

Souffle !

Ne sois pas si vigilant

Le pire n’arrive pas souvent

 

Le doute intempestif t’entête et t’agite

Le cinéma de tes tracas te glace et te lasse

Le murmure continu de tes inquiétudes t’use

 

Lâcher prise n’est pas dans ta nature

Toi, tu es plutôt triture et torture

Arrête ! Il y a de la beauté dans la vie et ses ratures

 

Souffle !

Sois confiant 

Essaie l’écriture, ça détend !

(Ça nettoie les idées enkystées au-dedans)"

 

 

Nathalie, décembre 2023

jeudi 16 novembre 2023

La communication dans le couple #cinematherapie


Le thérapeute de couples John Gottman a établi les "4 cavaliers de l'Apocalypse du couple", quatre attitudes relationnelles destructrices - le mépris, la critique, la défensive, la fuite - que l'on retrouve dans cet extrait de "Just like a woman", de Rachid Bouchareb (2013).


Cliquez ici pour voir la vidéo sur Instagram et ici pour la voir sur Facebook.



mardi 12 septembre 2023

AVEC CET EXERCICE D’ÉCRITURE, VOUS RÊVEREZ DE RECEVOIR UN COURRIER INJURIEUX…

CETTE RUBRIQUE MET A L'HONNEUR DES TEXTES ÉCRITS PAR LES PARTICIPANTS A MES ATELIERS D’ÉCRITURE.

DES TEXTES ÉMOUVANTS, PERCUTANTS, INTERPELLANTS, VIVIFIANTS... 

Un de mes patients arrive un matin très ému, car il a reçu un mail d’insultes du compagnon de son ex-femme. Bien qu’il ait l’habitude de recevoir des messages agressifs dès qu’il tente de mettre des limites relationnelles à l’autre, c’est pour lui la goutte d’eau qui fait déborder le vase.  

 Il me fait lire son courriel et j’y décèle le ton, le style et le contenu propre aux personnes narcissiques. Le texte est en effet très malsain. 

  Je propose alors à mon patient un exercice d’écriture thérapeutique : il va récrire le courrier en mettant à jour les implicites, le sous-texte. 

 Tout message comporte un texte (par exemple, « Est-ce que tu as bien dormi ? ») et un sous-texte (qui pourrait être, dans l’exemple ci-dessus, « Est-ce que tu vas encore être de mauvaise humeur ?» ou à l’inverse « J’aime prendre soin de toi »).  

 Combiné à l’humour, cet exercice est très intéressant pour mettre à distance les messages toxiques que nous pouvons parfois recevoir. 

 Je vous livre trois réécritures faites par mon patient. Il y a pris beaucoup de plaisir et cela lui a permis de passer à autre chose. 

 Compte tenu du contexte et des acteurs en présence, j’ai bien évidemment pris soin de modifier/supprimer toute information qui aurait permis de reconnaître les personnes concernées. 

 

« Bonjour Monsieur Demonty

 J'ai pris ce jour connaissance du message que vous avez envoyé à Muriel

 Nous considérer comme le centre de l’Univers aurait été, il me semble, approprié. 

 Par ailleurs, au vu des circonstances, lui reprocher de n’avoir tenu compte de personne d’autre qu’elle m'apparaît absurde... lui suggérer des excuses hors de propos, compte tenu du fait que nous ne sommes pas le genre de personnes qui nous excusons, nous laissons cela aux inférieurs. 

 Étant moi-même parfait, je suis convaincu que je vais faire une phrase très longue dans laquelle je vais me perdre mais qui aura pour but d’en jeter plein la vue au détriment du contenu qui, dans ce genre de circonstances, par ailleurs nonobstant, n’a que peu d’intérêt.  

 Le savoir-vivre, l'altruisme, la flexibilité et le pragmatisme s'avèrent être d'excellents outils pour y parvenir, ce qui me permet, au passage, de vous insulter de façon agressive-passive, sans en avoir vraiment l’air. 

 Je suis disponible pour toute discussion qui abondera dans mon sens. 

 Cordialement, 

 

PS : je suis assez fier de moi, comme à mon habitude, car j’imagine ce message cinglant et traduisant à la fois la fermeté et le panache dont je suis certain d’être pourvu, mais qui me font terriblement défaut. » 

 

 « Bonjour Monsieur Demonty

 J'ai pris ce jour connaissance du message que vous avez envoyé à Muriel

 Parler comme Yoda, semble à moi, preuve de mon intelligence une.  

 Par ailleurs, au vu des circonstances, et de l’ensemble des conjonctions que je connais (dont de sorte que et à telles enseignes que) qui permettent de me poser en homme de Lettres (je suis arrivé à la lettre Q), lui reprocher son égocentrisme est tout aussi hors de propos que de me reprocher mon immodestie. 

 Étant Moi-Même, c’est-à-dire sans fatuité un exemple parfait de Perfection modeste, je suis convaincu que la volonté désirante d’un engagement choisi est un prérequis pour tout début qui commencerait vers une évolution aussi positive que favorable visant le doigt que le con regarde au lieu de la lune. 

 Le savoir-vivre (dont je détiens les clés, les cadenas et l’huile lubrifiante), l'altruisme (je donne toujours mes bics usagés au Bénin), la flexibilité (qui peut se définir comme la capacité à t’adapter à mes désirs) et le pragmatisme (il me fallait un quatrième mot qui sonne bien, mais je ne sais pas trop ce qu’il veut dire) s'avèrent être d'excellents outils (oui, c’est comme ça que je vois les qualités humaines, comme des outils, comme un marteau pour taper sur celui qui tente de mettre des limites à ma toute-puissance) pour y parvenir. 

 Je suis disponible pour tout compliment. 

 Cordialement » 

 

« Bonjour Monsieur Demonty

 J'ai pris ce jour connaissance du message que vous avez envoyé à Muriel

 Fermer votre g* aurait été, il me semble, approprié. 

 Par ailleurs, au vu des circonstances, lui reprocher de n’avoir aucun respect pour vous m'apparaît correct... lui suggérer d’en avoir un minimum hors de propos. 

 Étant moi-même supérieur aux autres, je suis convaincu… de tout. 

 J’incarne en tout moment et en tout lieu le savoir-vivre, l'altruisme, la flexibilité et le pragmatisme, comme cette lettre le prouve.  

 Je suis disponible pour toute confession, sombre pécheur. 

 Na na nère » 

 

vendredi 25 août 2023

CETTE RUBRIQUE MET A L'HONNEUR DES TEXTES ÉCRITS PAR LES PARTICIPANTS A MES ATELIERS D’ÉCRITURE

 

DES TEXTES ÉMOUVANTS, PERCUTANTS, INTERPELLANTS, VIVIFIANTS... 

 

Voici un texte d’Anaïs, j'avais demandé de décrire une relation importante en la symbolisant par un des quatre éléments.

 

"Mon père, ce vent.

 

Mon père est un vent changeant. L’accusé qui s’innocente. Il souffle sur les braises pour activer le feu, léger, l’air de ne pas y toucher. Juste le temps que je m’embrase. Mais pourquoi tu t’excites ? J’ai onze ans. Mais pourquoi tu t’énerves ? J’ai quinze ans. Ah les femmes, toutes les mêmes, changeantes, volatiles. J’ai vingt ans. Il varie caresses et avertissements. Il émoustille, il épouvante. Il n’est jamais là où on l’attend : de face, responsable, coupable. Non, mon père n’est jamais coupable. C’est toi, c’est moi et, tout bon vent qu’il est, il te retourne pour démontrer ta culpabilité. Ta responsabilité. Et si tu réagis, et si tu t’opposes, il forcit, il gronde, il rugit ! Il devient l’ouragan devant lequel tu t’inclines.

Je rends les armes. Il est puissant.

Mon père c’est le vent.

Et moi je suis le feu. En dedans. Dehors, un paravent".

 

 

Anaïs, 13.04.2023

 

 

QUELQUE PART EN POLOGNE

J'avais dix-neuf et peu de souvenirs, Une mémoire sans drame qu'elle doive retenir Ou oublier. C'est là que je t'ai rencontr...